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“L’influence arabo-musulmane était en Sicile jusqu’en 1492”

Dr Ounoughene Mouloud

L’auteur de Dialogue des cultures musicales, mythe ou réalité retrouve le Sila avec son nouvel
ouvrage et évoque dans cet entretien son choix de la présence “physique” et culturelle de
l’influence arabo-musulmane dans cette île italienne qui est la Sicile.
Liberté : Le Sila signe son retour, quelle est votre impression de retrouver de nouveau vos
lecteurs ?
Dr Ounnoughène : Après une mise en berne du Sila pour cause de pandémie et de confinement,
on ne peut que se réjouir d’être dans cette 25e édition, un bonheur partagé avec nos lecteurs.
On est tout aussi ravi de revoir et de découvrir d’autres écrivains et d’échanger nos points de
vue et partager nos passions littéraires. Au cours de ma séance de rencontre-dédicace, lecteurs
et mélomanes étaient curieux de découvrir les passerelles musicales et culturelles qui lient les
deux rives de la Méditerranée que je traite dans mon dernier ouvrage intitulé Dialogue des
cultures musicales, mythe ou réalité.

À ce propos, vous avez longuement parlé de l’Italie dans votre ouvrage. Pourquoi ce pays ?
Il se trouve que c’est l’Italie qui est effectivement l’invitée d’honneur du Sila 2022. Il est utile de
savoir que la Sicile est plus proche de l’Afrique du Nord que de Rome. De part sa situation
géographique, cette île représente un “hub” important d’échanges et un grand centre de flux
commercial. Palerme devient une ville musulmane dès 831, durant près de 240 ans. Zyadat
Allah, l’Aghlabide et Gouverneur d’Afrique envoient une flotte composée de soldats berbères et
arabes pour conquérir cet espace. La Sicile sera alors sous domination abbasside et fatimide
(826-962).
À partir de 1030, la Sicile devient une grande métropole de l’espace méditerranéen, aussi, un
modèle de tolérance et de respect entre les différentes confessions : Grecs, Lombardes,
Berbères, juifs et arabes vivaient ensemble harmonieusement. Cet état de fait rappelle bien
évidemment l’Andalousie qui incarne dans ses avatars et ambiguïtés une richesse féconde…
L’influence arabo-musulmane était visible et bien présente en Sicile jusqu’en 1492, année où
Ferdinand II, roi d’Espagne chasse tous ceux qui n’étaient pas chrétiens.

Et sur le plan musical ?
En 1072, Roger de Hauteville qui a reconquis Palerme insistait sur l’intégration des différentes
populations locales. La Sicile devient alors un confluent d’art et d’érudition, elle attire alors de
nombreux poètes et savants. Ibn Hamdis Eseqli est un barde arabo-sicilien né en 1056 à Noto.
Connu par ses œuvres bachiques et élégiaques et étanchant entre autres sa nostalgie à la Sicile.
Il quitte cette île à la fleur de l’âge pour Taifa de Séville, puis rentre en Algérie où il bénéficiera

de la protection du souverain berbère Al Mansour Ben Nassir. Le Diwan d’Ibn Hamdis comporte
plus de 350 qacidas, elles vantent pour la plus part la Sicile de son enfance.

Que deviennent ces influences musicales aujourd’hui ?
Actuellement des chanteurs italiens contemporains s’intéressent au Diwan de ce barde. Etta
Scollo a repris Mia Sicilia ou ma Sicile sur une tonalité mélancolo-nostalgique dans son album
sorti en 2008, intitulé îl fiore splendente ou la fleur resplendissante.
En 2011, le célèbre musicien compositeur, réalisateur et chanteur sicilien Franco Battiata a mis
aussi en musique certaines poésies d’Ibn Hamdis dans un opus intitulé Diwan : l’essence de la
réalité.
Par ailleurs le compositeur polonais Karol Szymanowsky a écrit l’Opéra Roi Roger où il narre une
scène de vie dans la Sicile byzantine, le Roi Roger s’est entouré de grands érudits tels que El-
Idrissi, l’inventeur d’un planisphère en argent, ce grand penseur a aussi écrit un grand ouvrage
pour illustrer ce planisphère, il est intitulé Kitab nuzhat al mushtaq plus connu sous le nom du
grand livre de Roger.

Propos recueillis par : K. TIGHILT

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