Concert de Musique
L’engouement est tel, que les tickets de concert s’écoulent à peine quelques heures après
l’ouverture de la billetterie et il arrive même qu’ils se vendent sous le manteau, en deuxième
main.
La déferlante El Besta est là et emporte tout sur son passage ! Véritable phénomène de société,
il n’existe pas une seule date organisée par ce groupe (constitué pourtant seulement en 2021)
sans susciter un véritable engouement chez le public.
L’engouement est tel, que les tickets de concert s’écoulent à peine quelques heures après
l’ouverture de la billetterie et il arrive même qu’ils se vendent sous le manteau, en deuxième
main. Cela dénote du succès phénoménal que connaît El Besta, à Oran, certes, mais également
dans le reste du pays et même à l’étranger.
Sa dernière représentation remonte au week-end dernier, à la nouvelle salle des spectacles
Artistic de l’hôtel Liberté, à Oran. Au départ, il était prévu qu’El Besta ne fasse qu’une date,
celle du vendredi 7 février, mais la demande était tellement forte qu’une autre date, celle du
jeudi 6 février, a été ajoutée in extrémis.
Au final, les deux représentations ont été assurées devant une salle bondée, tant les 600 places
que compte l’Artistic, par deux fois, ont été occupées. Il s’était agi d’un public mixte,
enthousiaste et qui n’hésitait pas à reprendre en chœur avec les musiciens ces classiques du raï
qui parlent, comme on aime à dire «d’agonie amoureuse, d’interdit, de fatalité, de passion et
d’ennui».
C’est d’ailleurs non loin de l’Artistic, au théâtre de la Fourmi, ce café-théâtre de 120 places, que
tout a commencé, pour El Besta, un certain juillet 2022, lorsque le groupe est allé, pour la
première fois, à la rencontre de son public.
Revenons donc plus en détails sur ce groupe qui défraie la chronique et s’impose sur la scène
musicale algérienne. D’abord, un peu d’étymologie : que veut dire «El Besta» ? C’est un terme
qui vient de l’expression française «passe-temps» et renvoie à un phénomène de société qui
avaient cours durant les années 1970 et 1980 quand des bandes d’amis (pas forcément jeunes)
se rendaient en nocturne dans la clairière d’un bois, ou non loin d’une route nationale, et bien
achalandée en caisses de vin et de bière, ils passaient la nuit à picoler, se faire des grillades,
danser et bien sûr chanter.
«Arwah nebestou cette nuit !» était une expression récurrente en ces années-là, notamment
dans les petites villes. Un phénomène, hélas, qui a été stoppé net au début des années 1990,
avec l’avènement du terrorisme islamiste.
Walid Cheikh,, le manager d’El Besta, nous a expliqué pourquoi lui et ses artistes musiciens ont
décidé de s’approprier cette expression, longtemps tombée en désuétude. «On s’est appelé
ainsi pour rendre hommages aux soirées inderground du raï.
C’était en ces soirées-là (celles d’El Besta) que sont apparues les plus belles chansons du raï», et
d’expliquer encore que l’objectif de son groupe était d’abord de faire revivre une certaine
époque de la musique raï, cette époque d’âge d’or que tout le monde aujourd’hui acclame mais
aussi, œuvrer pour la sauvegarde du patrimoine raï, le promouvoir et lui donner plus de
visibilité.
Particularité d’El Besta
Pour ce qui est de la formation du groupe, elle s’est faite, par inadvertance, lors d’une
rencontre au port de la Salamandre, à Mostaganem, où Sofiane Salaman (qui est devenu
ensuite le chanteur du groupe), Walid Cheikh, (le manager), Mohamed (qui s’occupera ensuite
du son) et Laaradj (qui deviendra l’accordéoniste) ont improvisé une performance musicale.
La vidéo fut postée sur Instagram et la mayonnaise a immédiatement pris ! Trois mois plus tard,
une seconde gaâda a eu lieu, toujours au port de la Salamandre, immortalisée, là encore, par
une vidéo qui a eu énormément de succès sur les réseaux sociaux. La machine s’est alors
enclenchée et de daâda en daâda, le groupe, qui s’est finalement constitué de trois artistes :
Laardj l’accordéoniste, Sofiane le chanteur et Dadi le percussionniste, s’est affiné. «Ces trois là
forment le pivot du groupe, ils sont les trois membres permanents d’El Besta.
Pour ce qui est du bassiste, on fait appel à chaque fois à quelqu’un. A titre d’exemple, lors de
notre dernière date (nldr le 7 février), nous avons fait appel à notre ami Nazim. Avant lui, nous
travaillions avec le bassiste Tchik, qui venait du Mozambique, et qui s’était passionnée pour le
raï, et avec qui nous avons fait du très bon travail».
Ce qui fait aussi la particularité d’El Besta, c’est qu’il ne se contente pas, sur scène, d’avoir un
répertoire avec une série de chansons à interpréter, genre «trois petits tours et puis s’en vont».
Il fait un enchainement de plusieurs chansons d’affilée, ce qui n’est pas pour déplaire au public
qui se retrouve tenaillé par l’envie d’aller au-devant de la scène et de se mettre à danser.
A titre d’exemple, vendredi dernier, le groupe a chanté sans s’arrêter trois chansons Liyah liyah,
Detni sekra et Rabbani, constituant son premier enchainement suivi de Fi bali khabetli, Nahflef
jamais de la vie et Sidi Rabbi qui était le second enchainement etc. «Ce ne sont pas les mêmes
chansons qu’on joue forcément à toutes nos dates, surtout maintenant que nous avons un
large répertoire. Il y a certes des chansons qui reviennent tout le temps et qui sont notre succès
alors que d’autres on fait à chaque fois des petits changements».
Pour ce qui est de leurs chanteurs préférés, Walid nous citera Cheb Khaled, Ahmed Zergui, Cheb
Hasni, Mami, Cheikha Djennia et Cheik Fethi. Parler de la déferlante El Besta n’est pas une vue
de l’esprit : cela fait plusieurs mois, en effet, que là où le groupe passe, il affiche complet, Oran,
Alger, Annaba, Constantine, Batna, dans plusieurs villes françaises (Paris, Marseille, Toulouse,
Montpelier), à Tunis et même à Montréal.
Quand on demande à Walid comment lui et son groupe expliquent un tel engouement, ce
dernier a le succès modeste : «On ne se l’explique pas. C’est quelque chose de divin. Les gens
nous aiment, et puis c’est tout !» Revenant sur leur dernier concert à Batna, il nous dit : «Nous
avons joué à la maison de la culture, l’organisation était parfaite, le public était merveilleux.
Nous aimerions bien jouer partout en Algérie et pas seulement dans les grandes villes, à
Mostaganem par exemple (nous qui en sommes originaires) mais aussi à Témouchent, Mascara,
Béchar etc.» Pour ce qui est des enregistrements, il nous révèlera qu’il y a, pour le moment,
qu’un seul titre d’enregistré, une chanson de leur propre crû, en collaboration avec un grand
nom du raï, dont la sortie n’est pas encore communiquée.
Il ne nous en dira pas plus. Les prochaines semaines, le programme sera chargé pour El Besta,
avec des dates à Annaba, Oran, Alger, mais aussi à Paris, dans le cadre du festival «Banlieue
bleu», à Lille, en collaboration avec l’Institut du monde arabe et de nouveau à Montréal au
mois de juin.
Akram el Kebir, in El Watan